Arctic Monkeys : Suck It and See
Avec de solides influences américaines en poche, retour au rock British pour les Monkeys.
“Suck It and See” est un titre parfait pour ce quatrième album des Arctic Monkeys. Expression britannique invitant à essayer quelque chose de nouveau ou d’inconnu, c’est un prélude justifié : ils ont déjà un peu tout tenté sur leurs précédents efforts, que font-ils cette fois-ci ? C’est en fait une somme de toute leur expérience, et sûrement un peu plus : parfois extrêmement pop (‘Black Treacle’) avec quelque chose de typiquement Beatles dans le chant d’Alex Turner (‘She’s Thunderstorm’), et parfois baigné des riffs bien lourds empruntés à Josh Homme (‘Don’t Sit Down ‘Cause I’ve Moved Your Chair’), l’ensemble est immédiatement réjouissant, même immanquable.
Bon Iver : Bon Iver (2011)
Retour en demie teinte de la révélation torturée de l’indie folk.
Le folk éthéré, intime et fragile de Justin Vernon en tant que Bon Iver a quelque chose de mythique, avec son histoire. Tout le monde n’est pas capable de faire un grand premier album, isolé dans une cabane en pleine nature, secoué par une mauvaise rupture. Rien d’aussi dramatique cette fois, tant mieux pour Vernon. Cependant, le sobrement intitulé « Bon Iver » atteint rarement la grâce de « For Emma » (‘Perth’, ‘Michicant’), n’ayant pas ce qui rendait son prédécesseur si spécial. On y trouve bien une poignée d’expérimentations (les échos et samples noisy rappellent Sparklehorse sur ‘Lisbon, OH’) et une certaine vacuité confortable, mais rapidement ennuyeuse.
Okkervil River : I Am Very Far
Le groupe indé culte du Texas prend une direction légèrement nouvelle, toujours efficace
Le dernier fait d’arme d’Okkervil River était d’avoir enregistré un album avec Roky Erickson, légende du rock psychédélique. Ils avaient alors fourni l’excellente ambiance musicale torturée qui portait les chansons toutes aussi réussies d’Erickson. « I Am Very Far » peut alors être un peu surprenant en comparaison. Il s’agit d’un album pop-folk, rappelant aussi bien « I’m Wide Awake It’s Morning » de Bright Eyes (‘White Shadow Waltz’) que la pop dandy de The National, comme sur ‘Your Past Life as a Blast’. Le groupe développe une maitrise de l’écriture et un goût pour la diversité musicale, faisant de « I Am Very Far » un album intéressant et divertissant.
Fleet Foxes : Helplessness Blues
Retour brillant mais sans surprise pour le jeune groupe indie folk de Seattle.
“Personne ne fait de l’Americana comme les Fleet Foxes.” C’est ce que j’ai lu quelques semaines avant la sortie de « Helplessness Blues », et j’étais déjà d’accord. Après tout, leur premier effort offrait une interprétation du Folk et des traditions musicales Américaines altérés par l’influence pop Britannique qui était diablement moderne. Originaux sans être dénués de pairs, ils puisaient dans l’héritage de America ou de Iron & Wine, entrainant des artistes tels que Bon Iver et The Low Anthem dans leur course.
Ce son caractéristique et cohérent a fait le succès de leur premier album, sorti en 2008. Ils y mélangeaient de minutieux paysages musicaux Folk à des paroles lyriques chantées avec passion et identité : Robin Pecknold a 25 ans et chante comme un Neil Young idéalisé. Il peut même être crédible sur des sujets qu’un chanteur moins talentueux ne ferait que rendre embarrassant – tout le monde ne peut pas chanter à propos de la mort, de la nature et de doutes sans être emo. Il peut, il faut s’y faire.
Mais tout cela date d’il y a trois ans, alors qu’en est-il aujourd’hui ? Pour commencer, nous ne parlons pas de maîtres de la réinvention. La formule Fleet Foxes reste inchangée : lancez les guitares acoustiques, la voix unique de Pecknold, les harmonies, les grands refrains et le groupe qui sert de chœur une phrase sur deux. Certes tout cela fonctionne toujours, mais certains auditeurs peu appliqués risquent de s’ennuyer ferme. Quant aux paroles, bien que très bonnes, elles demandent en effet de l’attention, ce qui n’est pas facile à maintenir : il s’agit ici d’un album assez long. 12 morceaux et un peu plus de 50 minutes de questions existentielles venant du cœur ! Mais si vous pouvez supporter ça, vous profitez d’un album réellement profond et intéressant, même sans les paroles.
Car même s’ils n’ont pas touché à leur structure de base, le noyau des Fleet Foxes est un duo de jeunes hommes avides de connaissance, avec un œil sur le passé. Ils baignent dans des influences telles que Brian Wilson ou Crosby, Still, Nash and Young pour tout ce qui est évident, mais tendez une oreille attentive et vous trouverez que les Fleet Foxes ont étendu leurs racines. Les guitares sur le joliment oriental ‘Sim Sala Bim’ évoquent le Jimmy Page de ‘Tangerine’ ou ‘The Rain Song’, une perle sur un album qui n’expose pas vraiment le talent de musicien de ses artistes.
Leur plus grande réussite sur l’album est la chanson éponyme, ‘Helplessness Blues’. Tout y est, en tout cas tout ce qui fait des Fleet Foxes un groupe si spécial : pas seulement les paroles magnifiques, parsemées de grandes questions (« A quoi sert-il de chanter les Blues du désespoir ? / Pourquoi devrais-je attendre qui que ce soit d’autre ? ») et d’aspirations rarement formulés par des jeunes de 25 ans (« Si j’avais un verger, j’y travaillerais jusqu’au bout. Tu ferais le service et bientôt tu t’occuperais du magasin »). Cette chanson, comme tout l’album, est un paysage indie-Folk complexe et presque cinématographique : la musique raconte une histoire, accompagnée des paroles de Pecknold, dans une combinaison parfaite de forme et de fond.
Parmi toute cette création cohérente et consistante perce le germe de l’expérimentation. ‘The Shrine / An Argument’ illustre au mieux cette volonté d’évoluer et de poursuivre de nouvelles pistes : tout comme l’autre morceau en deux partie ‘The Plains / Bitter Dancer’, moins remarquable, ‘The Shrine…’ offre un ensemble de phrases musicales uniques, innovantes et riches, officiant une fois encore comme un fantastique arrière-plan sur lequel raconter une histoire.
Tout n’est cependant pas parfait, la longueur de l’ensemble pesant sur les épaules du groupe, mais c’est certainement agréable. « Helplessness Blues » n’a peut-être pas l’aura de son prédécesseur, mais cela reste un album remarquable.
Foo Fighters : Wasting Light
Une cure de Them Crooked Vultures n’a pas suffit pour calmer Dave Grohl.
Les Foo Fighters ne font pas dans le léger et le délicat. Prenez Pearl Jam et rendez le tout plus dur, plus fort et bien moins encombré de sens : vous y êtes, c’est le groupe de Dave Grohl. “Wasting Light” ne bouleverse pas ces codes, il s’agit de la même power-pop que d’habitude, avec une rythmique et des riffs implacables. Cohérence ne veut pas dire lassitude, et bien que le groupe s’approche parfois un peu trop du concours de cri (‘White Limo’), des morceaux tels que ‘Alandira’ ou ‘Miss the Misery’ savent transmettre le charisme grunge qui plait toujours à certains. De tels rythmes ne vous laissent de toute façon pas le choix : vous aussi, au fond, vous être grunge.
The Kills : Blood Pressures
Un autre duo, une autre approche du Blues.
Jack White a toujours raison. Bien sûr, la voix d’Alison Mosshart, si douée pour chanter le Blues, n’est pas la seule chose digne d’attention sur le dernier album des Kills. Et pourtant, cette capacité est sans aucun doute au cœur de “Blood Pressures”. Mélangeant des rythmes sales et accrocheurs, souvent soutenus par des riffs efficaces (‘Future Stars Slow’), leur musique peut-être décrite comme étant une aventure entre les influences Blues et Pop. Cela a ses failles, comme cette outro bien pénible sur ‘Satellite’, et ce n’est pas sans moments de gloire (‘Pots and Pans’). L’album repose donc sur votre sensibilité à ce mélange, seulement pénible pour certains.
Joe Bonamassa : Dust Bowl
L’originalité est accessoire lorsque vous êtes un guitar hero
Joe Bonamassa est l’un de ces dieux plus ou moins inconnu de la guitare. Il jouait du Hendrix parfaitement lorsque vous appreniez encore à faire vos lacets. Son blues ressemble à celui de Page ou de Paul Kossoff, utilisant la tradition comme point de départ en l’agrémentant de cette petite extravagance moderne. « Dust Bowl » est exactement ce à quoi on peut s’attendre après un tel CV. ‘The Last Matador of Bayonne’ illustre les capacités de songwriter de Bonamassa, mais c’est sa reprise du ‘Heartbreaker’ de Free qui met son talent en exergue : il n’est pas là pour révolutionner le Blues rock, il se contente de le perdurer.
The Strokes : Angles
Oubliez les Strokes, découvrez les Strokes, ou comment les New-Yorkais ont tourné la page
Cela pourrait être presque appréciable de ne découvrir les Strokes que maintenant. Oublier qu’il y a plus de 10 ans, ils ont fait “Is This It” et ainsi écouter “Angles” sans rien d’autre à l’esprit. Nous le trouvions facilement très bon, influencé par tout ce qui fait bouger l’industrie musicale du moment, de Radiohead (‘You’re So Right’) à, eh, Julian Casablancas lui-même (‘Machu Picchu’). Parce que c’est un bon album, entraînant et inspiré. Pourtant, même si il parvient à conserver un peu de la grandeur d’antan (‘Undercover of Darkness’), “Angles” n’y est pas comparable, que ce soit par son style ou sa cohérence. La page est donc tournée, honorablement malgré tout.
PJ Harvey : Let England Shake
Un bon album, de belles paroles et peut-être un sommet dans la carrière de PJ Harvey
Beaucoup seront surpris par la direction musical que PJ Harvey prend sur “Let England Shake” : loin des guitares ronflantes et du folklore indie rock, c’est un disque qui raconte une histoire, le comte de Polly, de son Angleterre et de la guerre. Pour cela, elle s’est construite une nouvelle voix (parfois semblable à celle de Regine Chassagne, d’Arcade Fire) et un son rassemblant diverses influences music-hall et folk – vieux et usé, un son sur lequel raconter. Nourri de paroles rappelant ici et là T.S. Eliot (‘Glorious Land’), cet album peint une Angleterre belle et sombre (‘The Last Living Rose’) ainsi que les horreurs de la 1iere guerre mondiale sans jamais être musicalement désuet.
The Low Anthem : Smart Flesh
Intelligente mais imparfaite, cette prouesse lo-fi invite à l’ennui
Il ne faut pas sous-estimer The Low Anthem, avec leurs vieux instruments parfois même inconnus et leurs habitudes lo-fi. Leur précédent effort, « Oh my God, Charlie Darwin », était tout simplement glorieux. Et lorsqu’ils commencent par une chanson aussi réussie que ‘Ghost Woman Blues’, on veut croire que ce « Smart Flesh » est du même calibre. Certes, ils restent les cousins isolés et déprimés des Fleet Foxes. Cependant, lorsque « …Darwin » offrait un équilibre entre ballades et morceaux à taper du pied, « Smart Flesh » est peut-être plus courageux et intelligent (rappelant parfois Neil Young et Dylan) mais semble tout de même trop ennuyeux pour être génial.